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PRINCIPAUX POINTS À RETENIR

LE MIROIR ÉCLATÉ est la première étude majeure menée sur l’état des médias au Canada depuis les rapports d’étape des sénateurs Keith Davey et Tom Kent dans les années 1970 et 1980, ainsi qu’un rapport du Sénat datant de 2006. Tous se montraient préoccupés par la concentration de la propriété et les dangers associés.

Ce rapport du Forum des politiques publiques (FPP) examine l’état des médias d’information, qui se trouvent nettement affaiblis face à un environnement très différent, fortement perturbé par l’avènement de l’ère numérique. Il s’agit d’un rapport prospectif qui formule 12 recommandations audacieuses et précises, en réponse à deux grandes questions importantes :

Les médias, et en particulier le journalisme axé sur la fonction civique – la couverture des institutions publiques, des affaires publiques et de la collectivité – ont-ils besoin d’aide?

Si oui, comment pouvons-nous faire en sorte que cela ne renforce pas les privilèges, n’entrave pas l’innovation et n’affaiblisse pas la démocratie elle-même? D’un autre côté, la responsabilité et le bien commun peuvent-ils continuer à exister sans compromettre l’indépendance des médias?

 

  1. Quel rôle les politiques publiques devraient-elles jouer face à la crise de l’information?

« Pour les décideurs politiques canadiens, la question n’est pas de savoir si certains médias sont en difficulté mais plutôt si la démocratie elle-même est en péril. » Extrait du rapport LE MIROIR ÉCLATÉ

« Dans la mesure où la politique publique a un rôle à jouer, elle devrait se concentrer sur le maintien de la circulation de l’information – qui est essentielle pour une société saine – et sur le développement des canaux numériques du nouveau système d’information, plutôt que de préserver la presse sous sa forme traditionnelle. La révolution numérique est bien réelle, mais elle s’accompagne de défis : la fragmentation, la distorsion et l’ajustement à de nouveaux modèles d’affaires et de narration. » Extrait du rapport LE MIROIR ÉCLATÉ 

 

  1. En quoi l’émergence des grandes plateformes numériques constitue-t-elle un défi pour la démocratie?

Selon le rapport, « les plateformes, qui attirent quotidiennement un public 10 fois plus nombreux que celui des grands journaux ou des chaînes de télévision, ne sont pas seulement des intermédiaires de la place publique. Elles tiennent les rênes du marché des idées. Leurs modèles sont fondés sur un principe de neutralité concernant la vérité. Qui plus est, elles donnent seulement l’apparence d’un espace commun. En réalité, elles calculent et renforcent les préjugés de personnes partageant les mêmes points de vue, qui s’installent elles-mêmes dans des bulles filtrantes ou qui s’y trouvent subrepticement affectées par des algorithmes. Dans les deux cas, la conception du média en tant qu’agent de compréhension commune n’est pas respectée. »

La prédominance de Google et Facebook porte un autre coup aux principaux fournisseurs de nouvelles au Canada : la perte d’une grande part des recettes avec lesquelles ils financent leur journalisme de qualité. « Les deux empochent deux dollars sur trois dépensés dans la publicité numérique au Canada et, au cours des derniers mois, ils ont généré 82 pour cent des publicités fournies avec les actualités en ligne. »

« La part du marché numérique canadien de Google représente environ 10 fois celle du secteur de la presse quotidienne et 60 fois celle des journaux communautaires. À titre de comparaison, les recettes générées grâce au numérique pour l’ensemble des journaux et des programmes télévisés s’élèvent environ au septième du total des deux géants étasuniens. »

 

  1. Les nouveaux acteurs médiatiques comblent-ils le vide créé par le déclin des grandes entreprises de presse traditionnelles?

Voici près de 15 ans que les organisations de presse numérique se développent. Selon Taylor Owen, professeur en journalisme à l’Université de la Colombie-Britannique et directeur de recherche du FPP en charge de cette étude, il en résulte que « nous ne disposons tout simplement pas d’un écosystème numérique prêt pour assurer la relève, à échelle égale, lorsque le moment décisif sera venu, un moment qui approche de façon évidente pour les médias traditionnels. » Bien qu’un nombre d’organismes à diffusion uniquement numérique produise un journalisme admirable, elles sont minuscules par rapport aux entreprises médiatiques traditionnelles.

  

 

  1. Qu’est-il arrivé aux médias d’information et aux journalistes depuis que les recettes publicitaires ont commencé à baisser?

« Depuis 2010, 225 hebdomadaires et 27 quotidiens ont disparu suite à des fermetures ou fusions dans plus de 210 circonscriptions fédérales. » Les chaînes de télévision ciblant des marchés de niche ont fermé et de nombreuses autres chaînes, tout comme les journaux survivants, ont réduit leurs services et leurs effectifs journalistiques. Selon des informations fournies par les principaux syndicats canadiens du secteur des médias, on estime que le nombre d’emplois journalistiques a baissé de 30 pour cent depuis 2010.

 

  1. Quel est le poids des fausses nouvelles dans la crise actuelle des médias? 

Dans le cadre d’un sondage réalisé pour la présente étude par Earnscliffe Strategy Group auprès des Canadiennes et des Canadiens, « les sondés étaient souvent bien conscients que « beaucoup de fausses nouvelles et d’informations erronées apparaissent sur les sites en ligne » (83 pour cent) et que « s’informer auprès d’amis et à travers les médias sociaux est bien, mais parfois, je veux des nouvelles qui proviennent d’entreprises et de journalistes que je connais » (80 pour cent). Si sept sondés sur 10 font complètement ou généralement confiance à leurs journaux, stations de radio et chaînes de télévision, il en reste moins de deux sur 10 pour les nouvelles obtenues par l’entremise des médias sociaux. »

Comme le rapportait Craig Silverman, rédacteur médias de BuzzFeed, dans l’une de ses chroniques, les fausses nouvelles aux États-Unis ont commencé à se multiplier en août, après le renvoi des réviseurs de Facebook. Ce phénomène est venu s’ajouter à la baisse de qualité des contenus publiés par les entreprises de presse établies. (Les rancœurs exprimées durant toute la campagne et au début du vote peuvent aussi avoir joué un rôle.) Entre le mois d’août et le jour des élections en novembre, les nouvelles provenant de sources hyper-partisanes et de sources de canulars ont pris la tête du peloton par rapport aux nouvelles fiables, en enregistrant 8,7 millions de partages et réactions contre 7,4 millions pour les nouvelles fiables, ce qui a déclenché une controverse et ébranlé la confiance envers Internet et ses principaux pourvoyeurs d’informations.

 

  1. Les Canadiennes et Canadiens font-ils confiance aux nouvelles?

Les Canadiennes et Canadiens font confiance aux nouvelles provenant de sources traditionnelles, quelle que soit la plateforme employée : 69 pour cent d’entre eux font « complètement » ou « généralement » confiance aux nouvelles télévisées, 70 pour cent aux nouvelles diffusées par radio, 66 pour cent aux nouvelles présentées dans les journaux et magazines, et 65 pour cent à celles des sites Internet de tous ces fournisseurs de nouvelles. Ce niveau de confiance chute à 34 pour cent pour les entreprises de presse en ligne telles que le Huffington Post ou Reddit, et à 15 pour cent pour les nouvelles émanant des médias sociaux.

Par ailleurs, les Canadiennes et Canadiens accordent tant de valeur à des nouvelles fiables que les trois-quarts des sondés ont déclaré que la démocratie serait en danger si les nouvelles des chaînes de télévision, de la radio et des journaux venaient à disparaître. 

 

  1. En résumé, quelles sont les recommandations et quel problèmes visent-elles?

Le Forum des politiques publiques suggère que le gouvernement du Canada adopte un double plan d’action ciblant les difficultés économiques des médias tout en soutenant la publication des informations axées sur la fonction civique sur lesquelles le public compte.

Les principaux points de ce plan sont les suivants :

  • modification de la législation fiscale fédérale, afin de créer des conditions égales pour les entreprises canadiennes
  • forte augmentation de la fourniture de rapports locaux et régionaux aux Canadiennes et Canadiens, grâce à
    • la création d’une branche spéciale de La Presse canadienne
    • la mise à disposition de la couverture en ligne (bénéficiant d’un soutien public) de Radio-Canada pour publication par l’ensemble des médias
  • la création d’un fonds spécial pour encourager le journalisme axé sur la fonction civique et l’innovation dans les nouvelles numériques, et aussi pour promouvoir la recherche sur la relation entre nouvelles et démocratie

 

Au total, le FPP recommande 12 actions au gouvernement, les cinq premières ayant pour but d’améliorer la situation économique :

  1. Étendre les sections 19 et 19.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu aux publicités sur Internet et aux entreprises de presse du Canada qui produisent des nouvelles principalement destinées aux Canadiennes et Canadiens.
  2. Appliquer la TPS/TVH à toutes les recettes provenant des abonnements aux nouvelles numériques et des publicités réalisées au Canada par des entreprises qui ne répondent pas aux critères de la nouvelle section 19, et accorder une réduction sur la taxe pour les entreprises qui répondent à ces critères.
  3. Supprimer les mesures qui freinent le soutien philanthropique au journalisme axé sur la fonction civique tel qu’il existe aux États-Unis.
  4. Revoir les règles d’équité de la Loi sur le droit d’auteur et permettre aux créateurs du contenu des nouvelles de mieux contrôler ce que devient leur propriété intellectuelle.
  5. Établir un Fonds pour l’avenir du journalisme et de la démocratie – un organisme indépendant qui investira dans l’innovation de la presse numérique et le journalisme axé sur la fonction civique, avec un soutien particulier aux médias d’information récemment créés, locaux et autochtones. Ce fonds financera aussi une recherche continue sur la relation entre nouvelles et démocratie.

 

Les sept autres recommandations sont des mesures visant à améliorer et à protéger la fourniture de nouvelles de qualité :

  1. Lancer un service offrant des conseils juridiques indispensables aux médias de taille moyenne qui soutiennent un journalisme axé sur l’investigation et la responsabilité.
  2. Confier à La Presse canadienne la mission de créer un service dédié, qui complète la couverture en déclin des nouvelles axées sur la fonction civique à l’échelle locale et régionale, mais aussi de veiller à ce que ces nouvelles soient largement accessibles.
  3. Lancer, dans l’esprit d’une nouvelle ère de réconciliation, d’autogouvernance et de relations de nation à nation, une initiative spéciale visant à renforcer et améliorer la couverture des affaires autochtones.
  4. Créer un institut de recherche permanent (voir recommandation 5) pour étudier l’incidence des nouvelles sur l’état de la démocratie canadienne.
  5. Aider CBC/Radio-Canada à mieux remplir son devoir d’« informer », d’« éclairer » et de « divertir » le peuple canadien.
  6. Libérer CBC/Radio-Canada de la nécessité de vendre des publicités en ligne, pour encourager la production d’un journalisme axé sur la fonction civique plutôt que la chasse aux clics.
  7. Appliquer un raisonnement au diapason de l’ère numérique à la diffusion publique, en permettant à CBC/Radio-Canada de publier son contenu en ligne sous un licence Creative Commons, ce qui permettrait à d’autres éditeurs de le rééditer gratuitement (avec mention de la source). Ainsi, le diffuseur public passerait d’un statut de concurrent à celui de fournisseur universel d’informations journalistiques de qualité.

 

  1. Citations

 « Jamais les Canadiennes et Canadiens n’ont eu accès à autant d’informations. Mais la capacité à produire des nouvelles originales, en particulier des nouvelles de nature civique, est fortement restreinte par la question complexe du mode de financement du journalisme à l’ère numérique. »

« Tandis les fausses nouvelles peuvent être créées en un instant, il faut souvent des jours, des semaines voire des mois de recherches et de vérifications pour produire des nouvelles fiables. »

« Notre recherche exclusive sur l’opinion publique montre que les Canadiennes et Canadiens respectent profondément le rôle du journalisme dans la démocratie. Ils le trouvent même si important qu’ils craignent que la résolution du problème puisse rendre les journalistes porte-paroles du gouvernement. »

 

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